La romanisation des campagnes

Si l’essor des activités agropastorales en Gaule était antérieur à la conquête, la présence romaine a cependant profondément marqué le paysage rural à travers la diffusion de nouvelles technologies, de nouvelles formes d’établissements agricoles et de nouvelles productions, stimulées par l’ouverture de marchés à l’échelle des cités et de l’Empire.

La densification du peuplement rural

La densification du peuplement rural

En novembre 2013, les archéologues de l’Inrap ont fouillé à Palaiseau (Île-de-France) sur près de 2 hectares les vestiges d’une importante ferme gauloise du IIe-Ier siècle avant notre ère, dont la trame, reprise au début du Ier siècle de notre ère, a perduré pendant tout le Haut-Empire avant d’évoluer.

Au temps de l’indépendance, les campagnes gauloises présentaient un abondant semis d’établissements agricoles, sur la base duquel l’habitat rural s’est encore densifié après la conquête romaine. La création de nouvelles voies de circulation et d’agglomérations s’est accompagnée d’une exploitation accrue du sol. Dans de nombreux cas, les fermes de l’âge du Fer ont continué à être occupées, parfois avec un léger déplacement du bâti, tandis que des créations ex nihilo ont également été attestées par les fouilles.

Partage du sol

En Narbonnaise, les paysages ruraux ont été remodelés sous la forme d’unités quadrangulaires de plusieurs dizaines d’hectares (les centuries) matérialisées au sol par des chemins, des bornes ou des fossés. Cette centuriation du paysage est moins assurée dans les Trois Gaules, où l’organisation des limites agraires semble être restée plus souple, pérennisant bien souvent les parcellaires de l’époque gauloise.

Les fermes

L’occupation des campagnes après la conquête s’est principalement caractérisée par deux grandes formes d’habitat, la première étant les fermes. Exploitées en faire-valoir direct ou pour le compte de grands domaines, elles présentaient souvent des bâtiments d’habitation modestes construits, en Narbonnaise, selon les techniques méditerranéennes (pierre, chaux, terre cuite) ou bien, dans les Trois Gaules, dans la filiation des établissements de l’âge du Fer, avec des enclos juxtaposés et des bâtiments en terre et en bois, ou bien en terre, bois et pierre.

Les villae

Les villae

Vue générale de la pars urbana de la villa de Conthil (Moselle) occupée de la première moitié du Ier siècle au IIIe siècle de notre ère. Son plan, incomplet, semble s’organiser autour d’une cour centrale délimitée par des galeries.

La seconde grande forme d’occupation des campagnes gauloises après la conquête correspond aux villae. Ces centres domaniaux réunissaient des bâtiments résidentiels maçonnés (pars urbana) et des constructions à usage agricole (pars rustica) environnés des champs et forêts exploités. Les villae ont été un puissant vecteur de romanisation des campagnes. Elles témoignaient de l’adoption par les grands propriétaires d’un style de vie et de modes d’exploitation agricole directement inspirés de ceux des notables italiens. Selon les régions et la richesse des propriétaires, les villae présentaient des plans très variés. La pars urbana, édifiée en pierre et couverte de tuiles, correspondait souvent à un corps de bâtiment doté d’une galerie de façade, voire de pavillons d’angle, bénéficiant d’une décoration plus ou moins luxueuse (mosaïques, enduits peints) et d’un confort inédit (thermes, pièces chauffées par le sol). Les villae les plus importantes s’étaient spécialisées dans des productions destinées à être écoulées sur les marchés : blé, vin et huile dans le Midi, céréales et élevage (bovins, moutons, chèvres…) dans le Nord.

À Damblain, dans les Vosges, les fouilles ont révélé la totalité de la pars urbana d’une villa du IIe-IIIe siècle de notre ère possédant un ensemble balnéaire de grande qualité. On voit ici le dallage de pierres fines noires, blanches, grises et rouges du bain froid. Le bas des murs est recouvert de plaques et de moulures de calcaire blanc.

Intensification des productions

Intensification des productions

Alignements de fosses rectangulaires interprétées comme les traces d’un vignoble gallo-romain du Ier siècle de notre ère à Gevrey-Chambertin (Côte-d’Or).

Les analyses archéobotaniques (pollens et graines) ont permis de constater qu’à la période romaine, la culture des céréales s’est intensifiée en Gaule, favorisant les espèces panifiables (blés, orge, millet, avoine et, nouveauté, le seigle). La culture intensive des légumineuses s’est également développée, de même que celles d’espèces locales ou importées de légumes, fruits, épices, plantes oléagineuses et textiles. La vigne, cultivée dans le Midi dès le VIe siècle avant notre ère, a gagné des terres plus septentrionales à partir du Ier siècle de notre ère. Quant à l’élevage, les études archéozoologiques ont souligné une nette augmentation de la taille des animaux (bœufs, moutons, chevaux, porcs, coqs) à l’époque romaine, de même que l’apparition des mules, mulets et ânes, utilisés pour le transport.