La fouille de navires négriers

Si des centaines d’épaves de navires négriers gisent au fond des mers, aucune d’elles n’a, à ce jour, été fouillée de manière exhaustive, malgré l’essor de l’archéologie navale depuis 50 ans.

Peu de traces matérielles

Alors que les archives ont permis d’écrire l’histoire de la traite des esclaves, il en existe très peu de traces matérielles. La fouille archéologique des épaves de navires négriers pourrait combler ce déficit. La vertu principale d’un site sous-marin est de mettre à la disposition des chercheurs des vestiges parfaitement synchrones : les objets qui proviennent d’une épave appartiennent tous au même contexte chronologique. Outre des informations sur les techniques de construction navale et sur les fonctions du navire, une épave reflète un lieu de vie et de travail. Elle peut même abriter des corps, que les études anthropologiques pourront faire parler.

Beaucoup d’épaves, peu de fouilles

La traite des esclaves à l’époque coloniale est estimée à environ 10 millions de personnes déportées, soit près de 40 000 trajets maritimes. On peut estimer que plus de 2 000 d’entre eux se sont achevés par un naufrage. Un nombre considérable d’épaves de navires négriers gît donc dans les océans. Or, à ce jour, très peu ont été fouillées de manière scientifique : sur la vingtaine d’épaves de navires négriers identifiée, seules quelques-unes ont bénéficié d’une étude, mais peu à même de nous renseigner sur les conditions de vie des esclaves à bord, car au moment de leur naufrage, ces navires n’en transportaient plus.

Deux exemples

L’Henrietta Marie, un navire négrier anglais coulé en Floride en 1700 et découvert par des chasseurs de trésors en 1972, a bénéficié d’un minimum d’observations de la part d’un archéologue dans les années 1980. Parmi les objets mis au jour, se trouvaient des étains anglais et des perles, destinés au troc, des fers d’esclaves et des chaudrons en cuivre, dans lesquels était cuisinée la nourriture des déportés, ainsi que des défenses d’éléphant et du bois de campêche, en vue d’être revendus en Europe.
Le Fredensgborg est une frégate négrière dano-norvégienne coulée en 1768 au cours d’un voyage de retour et découverte par des plongeurs non archéologues. Les objets extraits de l’épave sont désormais exposés au musée d’Arendal, en Norvège, mais ils n’ont pas été recueillis de manière scientifique.  

Une recherche à l’échelle internationale

Une vaste prospection sur les trajets des navires négriers, spécialement aux endroits propices aux naufrages, pourrait avoir lieu à l’échelle internationale. Des chercheurs d’Afrique du Sud s’efforcent déjà de conduire un ambitieux travail d’études à travers l’African Slave Wrecks Project (projet de recherche sur les épaves de vaisseaux négriers) dans une zone constituée par l’Afrique du Sud, le Mozambique et l’Angola. Une large coopération des archéologues originaires des pays impliqués dans les recherches du Comité scientifique de la route de l’esclave, piloté par l’Unesco, serait souhaitable pour développer des projets complémentaires.