Fouiller à Tromelin

Un grand nombre de textes d’archives a permis d’éclairer le contexte historique, l’armement, le voyage et les circonstances du naufrage de l’Utile. En revanche, les documents décrivant la vie des survivants malgaches sur l’île de Sable sont rares. Le but des quatre missions archéologiques conduites à Tromelin entre 2006 et 2013 a été de combler ce silence et de restituer une page de l’histoire de l’humanité.

Quinze années à documenter

Quinze années séparent le départ des marins français sur la Providence et le sauvetage des derniers survivants par Tromelin. Comment les Malgaches ont-ils survécu sur l’île de Sable ? Comment se sont-ils nourris ? Comment ont-ils entretenu un feu en l’absence d’arbres ? Comment ont-ils résisté aux tempêtes tropicales ? La topographie plane de Tromelin la rend très vulnérable aux conséquences des cyclones qui la dévastent régulièrement. Le sable, balayé par le vent incessant, a recouvert les vestiges laissés par les esclaves oubliés, figeant les couches d’occupation.

Perturbations contemporaines

Perturbations contemporaines

Photographie des vestiges en 1954.

En 1954, la France installe à Tromelin une station météorologique, idéalement située pour l’observation des cyclones. À l’époque, les météorologues font le relevé sommaire des vestiges encore visibles de l’occupation des Malgaches et les photographient. En 1956, une tempête dévaste l’île et amène les météorologues à construire deux abris enterrés sur les restes de murs édifiés par les naufragés ; ces abris sont submergés au cyclone suivant. La station météorologique est alors reconstruite avec un étage, à peu près telle qu’elle apparaît aujourd’hui. Petit à petit, ces aménagements ont effacé les derniers vestiges apparents du séjour des esclaves, les précipitant dans l’oubli.

Quatre campagnes de fouilles

Quatre campagnes de fouilles

Portrait de groupe, équipe 2008. sous la direction du Groupe de recherche en archéologie navale (GRAN) et avec l'appui de l'Inrap, les quatre missions sur l'île font appel à une équipe pluridisciplinaire.
De gauche à droite : Sudel Fuma, historien, université de la Réunion, Nick Marriner, géomorphologue, CEREGE, Jean-Michel Dalleau, aide météo, Météo-France, Joe Guesnon, archéologue, GRAN, Jean-François Rebeyrotte, archéologue, GRAN, Joël Mouret, chef de station, Météo-France, Max Guérout, chef de mission, GRAN, Yann von Arnim, archéologue, musée naval de l'île Maurice, Eugène Baran, aide météo, Météo-France, Thomas Romon, archéologue, Inrap, Jean Boggio Pola, cameraman, Laurent Hoarau, historien, CHAM, Sylvain Savoia, dessinateur.

Après des recherches historiques exhaustives, le GRAN (Groupe de recherche en archéologie navale) entreprend en 2006 une première campagne de fouilles à Tromelin, avec l’aide de l’Inrap et de l’Unesco. Cette première mission permet de réaliser la fouille sous-marine de l’épave de l’Utile et, à terre, d’identifier certains lieux liés à la présence des naufragés. Il s’agit notamment des vestiges du four qui a servi à cuire les biscuits pour le retour des Français sur la Providence, et des restes de constructions en blocs de corail interprétés comme un des abris édifiés par les naufragés après le départ des Français. Trois autres campagnes de fouilles archéologiques, menées en 2008, en 2010 et en 2013, ont permis d’illustrer la vie des naufragés durant leurs quinze années d’oubli. Près de 1 500 objets ont été exhumés et douze bâtiments étudiés ; des restes de faune ont donné de précieux indices sur l’alimentation des naufragés ; les os de deux individus, malheureusement bouleversés par la construction de la station météorologique, ont fourni des informations sur les naufragés eux-mêmes. C’est donc une organisation sociale originale qui a été redécouverte grâce aux fouilles archéologiques.

Scène de fouille à Tromelin.