Un singe à Poitiers

La sépulture d’un petit singe a été découverte en 2012 sur le site des Caillons, au sein d’une nécropole familiale de la fin du IIIe siècle. Bien que la tombe soit modeste, le simple fait que cet animal ait été enterré dans l’enclos funéraire lui confère le statut de membre à part entière de la familia.

Il s’agit d’un singe à longue queue. L’étude en cours de son ADN permettra de déterminer son espèce précise. Les premières observations du squelette et des dents attestent qu’il avait atteint l’âge adulte lors de son décès.

La littérature latine aussi bien que la fréquence de sa représentation dans les décors de mosaïques, les fresques ou les décors de différents objets indiquent que le singe était un animal de compagnie très prisé dans les familles aisées ; on le trouvait également chez certains commerçants, dans la compagnie des saltimbanques, ou encore comme mascotte dans les garnisons. Cependant, les recherches archéologiques portant sur le monde romain n’ont jusqu’à présent identifié que sept autres exemples de singes domestiques.

La nécropole des Caillons (site 29)

La nécropole des Caillons (site 29)

Enclos funéraire de la rue des Caillons (site 29). On aperçoit, au premier plan, la sépulture du petit singe et, juste derrière, la grande fosse oblongue qui devait abriter le sarcophage du propriétaire de l’enclos ou de l’un de ses proches. Les autres fosses oblongues, dedans et à l’extérieur, correspondent aux tombes présentes avant la construction du monument.

Jusqu’au milieu du IIIe siècle, la zone située entre la ville antique de Limonum et le Clain semble être restée non bâtie. Puis un ensemble funéraire est implanté en rive gauche de la rivière. Un petit édifice d’environ 1 m² pourrait en avoir été la première sépulture ; il abritait des cendres, répandues dans la niche centrale de la construction, scellée par une simple dalle en terre cuite.

Durant la seconde moitié du IIIe siècle, une cinquantaine de tombes sont installées à proximité. Elles pourraient appartenir  au même groupe « familial ».

Plus tard encore, vers la fin du IIIe ou le début du IVe siècle, un enclos funéraire quadrangulaire de 63 m² apparaît au même endroit. La sépulture d’un petit singe qui y a été mise au jour témoigne de l’importance accordée à cet animal exotique dans les familles aisées romaines et gallo-romaines.

La tombe du singe

La tombe du singe

Les archéologues ont surnommé Barbatus (« le poilu ») le petit singe des Caillons, comme auraient pu le faire ses maîtres dans l’Antiquité. Les aléas de la fouille font que les os de sa queue et de ses mains avaient déjà été prélevés au moment de la photo d’ensemble de la tombe.

C’est une simple fosse ovale de 90 x 115 cm, profonde de 20 à 30 cm, avec des parois verticales et un fond plat. Le squelette de l’animal est couché sur le flanc droit dans la largeur de la tombe, suivant une orientation sud-ouest/nord-est. Entouré de blocs calcaires et de fragments de briques, il gît sous un grand nombre de blocs et de moellons calcaires. Ceci laisse supposer que le singe a été déposé dans un cercueil de bois recouvert de pierres.

On retrouve le même aménagement dans plusieurs tombes de nourrissons fouillées sur le site dans les niveaux plus anciens que l’enclos funéraire.

Le 3e singe de Gaule

Le 3e singe de Gaule

Datée du IIIe siècle, cette mosaïque du site de Volubilis (Maroc) montre un singe en liberté (dans le panneau central, Orphée charme les animaux avec sa lyre). Il est probable que le petit singe du site des Caillons ressemblait fort à celui-ci.

Jusqu’à la découverte de ce singe à Poitiers, on ne connaissait que deux autres squelettes de singes en Gaule à l’époque romaine. Il s’agit dans les deux cas d’un macaque dit « de Gibraltar » ou « berbère ».

Le premier a été découvert à Narbonne, dans la maison au Grand Triclinium du Clos de la Lombarde, datée de la fin du IIe-début du IIIe siècle. Le cadavre avait été jeté dans le puits de la riche domus de Marcus Claudius Aestivo, comme vingt-sept bébés humains et des chiens bassets.

Le second cas provient de la nécropole de Cutry, en Meurthe-et-Moselle. En 1975, les ossements d’une femelle très âgée ont été retrouvés en bordure d’un dépotoir daté de la première moitié du IIe siècle. L’animal semble avoir été enterré dans une fosse, sur le dos, les jambes légèrement fléchies, le bras gauche le long du corps (le bras droit manquait, car la tombe avait été recoupée par d’autres sépultures).