Le plateau à l’époque moderne

Le plateau de Saclay a été intensivement exploité dès l’âge du Fer pour la richesse de ses sols et la variété de ses terroirs. Toutefois, une terre, même riche, n’est optimisée que si elle n’est pas engorgée. La gestion de l’hydrologie naturelle a donc été un souci constant des habitants du plateau. À l’époque moderne, cette préoccupation s’exprime par la mise en place d’un véritable système hydraulique.

Entre archéologie et histoire

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Plan général des étangs et des rigoles de Versailles datant de 1812

Lorsque Louis XIV décida, en 1669, de construire son château à Versailles, il demanda à André Le Nôtre de restaurer les jardins et de créer un parc somptueux agrémenté de jets d’eau, de fontaines et de bassins. Pour amener l’eau nécessaire à Versailles, le roi fit appel à Jean-Baptiste Colbert, qui réalisa la machinerie de Marly (elle remontait les eaux de la Seine sur la Plaine de Louveciennes), les étangs « supérieurs » de Trappes et d’Arcy (ils collectaient les eaux de ruissellement et de drainage de la plaine de Trappes) et les étangs « inférieurs » de Saclay (ils collectaient les eaux du plateau de Saclay via un système de rigoles).

Grace à ces trois principaux projets, c’est un réseau hydraulique unique au monde (plusieurs étangs et 200 km de rigoles sur 13 000 hectares) qui fut ainsi créé pour alimenter les fontaines du Château de Versailles. Ce dispositif, fonctionnant par simple gravité, était accompagné de constructions bien plus manifestes, tels les aqueducs souterrains et aériens de Saclay et de Buc, qui permettaient de rejoindre les étangs de Gobert et les fontaines du Château. Resté en service jusqu’en 1950, ce réseau a transformé les zones inondables du plateau de Saclay en terres riches et fertiles.

Les rigoles

Permettant de couvrir l’ensemble du plateau, les rigoles ont constitué un vaste système de drainage de plus de 60 kilomètres ; il dirigeait l’eau vers les étangs, qui fonctionnaient alors comme lieux de stockage. Les principales rigoles du plateau sont : la rigole Domaniale (ou de Palaiseau), qui débute dans la partie sud de l'actuelle École Polytechnique et rejoint l'étang Neuf ; la rigole de Corbeville, située à proximité de l’École Polytechnique, qui déverse ses eaux dans l'étang de Villiers ; la rigole de Chateaufort, qui s'étend de Magny jusqu’à l’étang de Villiers ; la rigole de Favreuse, qui longe le bord du plateau, au-dessus du Val d’Albian et amène les eaux jusqu’à l’étang Neuf . Sa capacité est d’environ 1,6 million de m³. L’entretien des rigoles nécessitait la présence permanente d’une équipe, sous la responsabilité du « garde des rigoles ».

Les étangs

L’aménagement de ces gigantesques lieux de stockage a été réalisé entre 1681 et 1687. Le projet a démarré avec le réaménagement de l’étang de Saclay (« étang Vieux »), pour rassembler les eaux du sud du plateau. Très rapidement, le creusement des étangs du Pré-Clos, du Trou-Salé, d’Orsigny et de Buc fut amorcé. Par la suite, le creusement d’un nouvel étang, dit étang Neuf (33 hectares), a permis de relier l’étang Vieux (37 hectares) pour réguler l’afflux en eau. Peu après, ont été créés les étangs de Villiers (situé aujourd’hui dans l’enceinte du CEA) et l’étang de Villaroy, à l’ouest de l’étang du Pré-Clos. Ces étangs, qui pouvaient recueillir annuellement plusieurs millions de mètres cube d’eau, étaient reliés entre eux, soit par les rigoles, soit par un système d’aqueducs souterrains.

Les aqueducs

Vue aérienne de l’aqueduc de Buc. Il acheminait les eaux du plateau de Saclay

Vue aérienne de l’aqueduc de Buc. Il acheminait les eaux du plateau de Saclay à Versailles.

Deux types d’aqueducs ont été aménagés sur et aux abords du plateau de Saclay : quatre aqueducs souterrains et un aqueduc aérien. Construits entre 1682 et 1687 pour pallier aux obstacles naturels du plateau, les aqueducs souterrains servaient à relier les étangs entre eux et à acheminer l’eau recueillie à l’aqueduc aérien de Buc. Certains atteignaient une profondeur de trente mètres. Les quatre aqueducs étaient ainsi nommés : l’aqueduc des Mineurs (long de 1 850 m, il relie l’étang de Villiers à l’étang Vieux de Saclay) ; l’aqueduc de la Ligne des Puits (long de 2 800 m, il relie l’étang Vieux de Saclay à l'étang du Trou-Salé) ; l’aqueduc de Saclay (long de 2 200 m, il relie l'étang du Trou-Salé à l’aqueduc aérien de Buc) ; l’aqueduc de l’étang de Trou-Salé à Toussus (long de 40 m).

Pour permettre le franchissement de la vallée de la Bièvre, l’aqueduc aérien de Buc a été construit en 1684. Long de 580 mètres, il comportait 19 arcades et mesurait 45 mètres de haut. Il était raccordé à l’aqueduc souterrain des Gonards pour conduire l’eau à Versailles.

Ces travaux ont eu pour conséquence de protéger les vallées limitrophes contre les inondations et d’assurer la fertilité des terres agricoles du plateau de Saclay.

Les drains céramiques

Lors des différentes opérations de fouilles, sur la quasi-totalité du plateau, les archéologues ont mis au jour des drains céramiques (parfois des drains en pierre), placés entre 60 et 80 cm de profondeur. Ainsi, pour collecter l'eau de pluie sur le plateau et, par voie de conséquence, en assainir les parties humides et marécageuses, ces drains sont enfouis dans le sol à une profondeur suffisante pour ne pas être brisés par les outils agricoles. Ils correspondent également aux systèmes de drainage agricole largement répandus aux environs de 1880. Des plans de ce vaste système de drainage secondaire ont pu être retrouvés et de nombreux drains semblent directement connectés au système de drainage principal, constitué par les rigoles du plateau de Saclay.

Les bornes

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Saclay, rigole domaniale - borne à fleur de lys

Pour délimiter le domaine royal occupé par le réseau hydraulique, il est encore possible d’observer, en de nombreux endroits sur le plateau, des bornes dont la plupart sont ornées d'une fleur de lys et d'autres, d'une couronne. Ces bornes en grès sont imposantes par leur poids et leur taille (de 90 cm à 1,40 m, dont 50 cm environ hors de terre), à même de dissuader les tentatives de déplacement ou d'élimination, et ainsi tenter de mettre fin aux nombreux litiges liés à l’exploitation hasardeuse du domaine royal sans autorisation. Un recensement effectué au cours du XIXe siècle dénombrait 1 218 bornes. Seulement 160 environ sont encore visibles aujourd'hui, dont 102 à leur emplacement d'origine.