En constante mutation au Moyen Âge

Les recherches archéologiques conduites notamment par l’Inrap sur le plateau de Saclay ont permis de recueillir des informations totalement nouvelles sur l’époque médiévale pour ce secteur de l’Île-de-France. Elles font apparaître un territoire en constante mutation.

L’époque mérovingienne

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Cette aquarelle propose une restitution, d’après les fouilles, du plateau de Saclay à l’époque mérovingienne.

La période mérovingienne (450-750) est identifiée sur de nombreux sites du plateau de Saclay, notamment grâce aux récentes opérations de fouilles et diagnostics.

Les fouilles menées sur site de l’Orme-des-Merisiers, à Saint-Aubin, préalablement à la construction du Synchrotron Soleil, illustrent assez bien cet âge, souvent considéré comme barbare. Les découvertes archéologiques ont permis de reconstituer un paysage organisé selon un parcellaire en lanières orientées nord-ouest / sud-est, perpendiculairement à la voie antique traversant le plateau et alors toujours en fonctionnement.

Au sein de certaines parcelles, des traces de bâtiments signalent une occupation lâche. Comme à l’époque gauloise, les maisons étaient construites en terre et en bois. Un four domestique et des fosses circulaires ayant servi de dépotoirs étaient associés à cet habitat. Il s’inscrit très probablement dans la continuité d’une villa gallo-romaine proche, dont des vestiges auraient été repérés lors de la construction du CEA.

Il semblerait d’ailleurs qu’entre la fin de l’Antiquité et le Moyen Âge, sur l’ensemble du plateau, les habitats se soient fréquemment concentrés dans un périmètre proche des villae encore occupées durant l’Antiquité tardive. À l’emplacement de l’actuel village de Saint-Aubin, point d’habitat, mais une nécropole probablement organisée autour d’une petite chapelle.

Au début des années 70, sous l’impulsion de M. Jean Cattant, des fouilles avaient eu lieu dans l’enceinte de l’école polytechnique (l’Orme du Guet), et un site mérovingien, succédant aux vestiges d’une villa gallo-romaine, avait été identifié.

L’époque carolingienne

À ce jour, peu de vestiges probants témoignent de l’occupation du plateau à l’époque carolingienne (751-987). Le plateau continue d’être habité, mais les artefacts sont peu nombreux, et il semble à ce jour, qu’il n’y ait pas de nouvelles concentrations de grande importance, même si des échos attestent sur de nombreux sites plus tardifs, une origine clairement carolingienne.

Néanmoins, les derniers diagnostics archéologiques, réalisés à Saclay, apportent un nouveau regard sur l’occupation ancienne du bourg. Jusqu’à présent, les textes et les éléments stylistiques de l’église faisaient remonter au XIIIe siècle l’origine du village, mais les vestiges archéologiques rencontrés sont majoritairement des constructions sur poteaux dont la chronologie s’échelonne entre la période carolingienne (IX-Xe siècle) et le XI-XIIe siècle. Un fossé parcellaire de la même période, détermine d’ailleurs une orientation encore lisible dans une partie du bourg actuel.

Sur le site de la ferme du Moulon, à Gif-sur-Yvette, un petit habitat a pu être identifié lors d’une opération de diagnostic en 2011. L’établissement présentait quelques bâtiments sur charpente de bois, ainsi que quelques fosses de rejets domestiques.

Lors des fouilles des sites de La Troche et les Trois Mares à Palaiseau, de grands ensembles, ont pu malgré tout être identifiés, sans qu’on ait pu clairement les appréhender dans toute leur complexité. En effet, dans la plupart des cas, ces témoignages représentés par quelques réseaux fossoyés, fosses dépotoirs, bâtiments sur poteaux et fonds de cabanes, ont été souvent détruits et rapidement recouverts, par les occupations souvent plus conséquentes des XIe et XIIe siècles.

Par ailleurs, en 1989, lors d’une opération de sauvetage à Villiers le bâcle, une nécropole de cette époque a été mise au jour, par l’AACEA, à l’emplacement d’un vaste bâtiment de l’époque gallo-romaine.

Le Moyen Âge central

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Restitution d'un bâtiment du XIe-XIIe siècle du site des Trois Mares à Palaiseau.

Cette période comprise entre le XIe et le XIIIe siècle, est celle qui a livré le plus de vestiges, et les sites les plus importants de l’époque médiévale. Malgré la faiblesse des écrits, il semble que le plateau soit divisé autour de plusieurs seigneurs, dirigeant l’ancien territoire de Palaiseau. On dénombre aujourd’hui plus d’une dizaine de sites, sur les communes actuelles de Palaiseau, Orsay, Saclay, Villiers-le-Bâcle, Saint-Aubin, Gif-sur-Yvette, Vauhallan…

Le site des Trois Mares (BR2), à Palaiseau, a livré en 2014 une occupation remontant au XIe-XIIe siècle. Elle se présente sous la forme d’un enclos ovale délimité par des fossés se développant sur 50 m de long et 40 m de large. L’accès, marqué probablement par un porche, se faisait par une interruption à l’est, repérée grâce aux vestiges d’un enclos secondaire plus vaste. À l’intérieur de l’enclos, plus de quatre-vingt-dix trous de poteaux témoignent de l’existence d’un ou plusieurs bâtiments à charpente de bois. Les dimensions de ces vestiges attestent le caractère imposant et ostentatoire de la construction principale, dont la surface semble atteindre plus de 400 m².

À l’écart de la zone bâtie, plusieurs découvertes évoquent les restes de structures de stockage et de zones potentiellement dédiées à l’artisanat (structures excavées de type « fond de cabane »). De manière générale, les vestiges mobiliers, relativement variés (céramiques, restes osseux, métal, verre, terre cuite architecturales…), sont peu nombreux et n’offrent pas de spécificités particulières. L’originalité de l’occupation médiévale des Trois Mares réside plus dans sa forme et sa taille, qui semble s’apparenter à un site de type « habitat à plat sur plate-forme fossoyée », dont peu d’exemples sont à notre connaissance répertoriés sur le territoire. De plus, à l’est et au sud de l’enclos, d’autres vestiges médiévaux plus épars attestent une occupation s’étendant sur une superficie totale d’au moins 6 000 m².

 

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Aquarelle du plateau de Saclay à l’époque médiéval, site de l’Orme des merisiers à Saint-Aubin.

Quant au site de Saint-Aubin à l’époque médiévale, il est marqué par un village organisé autour d’une maison forte, le long de la voie qui traverse le plateau du nord au sud. L’architecture reste de terre et de bois. De grande taille, les maisons, couvertes de chaume, étaient constituées de deux ou trois nefs et accompagnées, parfois, d’appentis et de pièces excavées. Elles se répartissaient autour d’un enclos circulaire fossoyé doublé d’une palissade, au sein duquel s’élevait un bâtiment de plan carré d’un ou plusieurs étages, également de terre et de bois. Il s’agissait peut-être de la résidence d’un personnage important ou bien d’un bâtiment à usage communautaire. Plus à l’ouest, les fouilles ont mis en évidence les restes d’un second habitat du XIe-XIIe siècle. Il pourrait correspondre à un petit fief rural s’étant développé parallèlement au village.

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Une virole (bague de couteau) en alliage cuivreux, décorée d'incisions, sur laquelle on peut lire un « A » gothique. Palaiseau, La Troche (XIIIe s.).

À la même période, le site de La Troche, distant de 800 mètres seulement des Trois Mares, accueillait un habitat dispersé organisé autour de quelques fossés parcellaires ou enclos, et de nombreux bâtiments et fonds de cabane liés à l’habitat et à l’artisanat. De plus, on observera la présence de quelques enclos curvilignes en différents endroits, accueillant des bâtiments sur charpente de bois en leur centre. On notera également, une importante réutilisation des espaces des périodes antérieures, avec notamment la réoccupation d’un édifice gallo-romain, et la réutilisation de nombreux matériaux de construction.

Pour le XIIIesiècle, on perçoit la mise en place, après un possible hiatus dans l’occupation, d’une exploitation agricole, une ferme (au sens fonctionnel et non juridique du terme) qui semble dès l’origine circonscrite dans un espace d’environ 1 ha, d’abord matérialisé par enclos fossoyé puis par un mur de clôture. À la fin du Moyen Âge, entre la seconde moitié du XIIIe siècle et la première moitié du XIVe siècle) c’est le bâti des phases  plus tardives que l’on saisit le mieux avec la construction d’un long bâtiment sur fondation en pierre, sans doute flanqué d’une tourelle d’escalier en façade vers le milieu du XIVe siècle. Le site est peut-être abandonné dans le courant du XVe siècle pour être de nouveau (ou encore) occupé aux XVIe et XVIIe siècles.

D’autres sites en cours d’étude, viendront compléter progressivement la riche histoire des habitants du plateau de Saclay.